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Marc Losson | Le poète est un jardinier de l’étendue

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Le poète est un jardinier de l’étendue

Novembre 2012

Marc LOSSON

 

L’écriture poétique serait une marche

qui promène la solitude d’un point à un autre.

Mais l’endroit de l’arrivée n’arrive jamais.

La poésie côtoie la folie.

 

Il faut être fou pour aimer.

 

Mes gribouillis poétiques sont des étranges dans un langage indigène

Ma vision du voyage est immobilisée dans l’obsession de mes émotions.

 

Et mon langage poétique frôle l’absurde

l’empaillage des soubresauts

indignes, cocasses, acharnés.

Une sorte d’intimité déjà fracassée.

 

Comme si le poète était un jardinier de l’étendue.

Un cachottier de la lumière.

Un géologue de l’anonymat du cœur.

 

Alors j’écris :

«  il ne faut rien dire

croire au rire de l’arc en ciel 

pour laisser un passage à l’autre

même s’il n’est pas indispensable. »

 

Mais cela ne marche presque jamais.

 

L’écriture de la poésie ferait le bruit qui traverse l’éclat d’une vitre.

 

Le bruit invisible de la poésie est une sorte de faisabilité abeille

 

avec les ronces végétales du langage

cousues sur l’ourlet d’une jupe

dans la cendre de la mémoire.

 

Engelures

 

Je voudrais être le cyprès de la fonte des pierres

à cet endroit des lambeaux

accroupi sous le soleil

dans le ventre de la narration

pollen de la déraison.

 

 ***

 

Je vous transmets la première page et la dernière page du journal du cinéaste Werner Herzog : «  Sur les chemins de glace » (Petite bibliothèque Payot , réédité en 2010).

(De l’automne 1974 à décembre, Werner Herzog tient son journal de marche, de Munich à Paris, pour se rendre au chevet de Lotte Eisner qui est très malade. Il a la certitude qu’elle survivra s’il voyage à pied..).

 

Page 7

Avant- propos

« Un ami parisien m’a téléphoné à la fin de Novembre 1974. Il m’a dit que Lotte Eisner était très malade et allait sans doute mourir. J’ai répondu : cela ne se peut pas. Pas maintenant….J’ai pris une veste, une boussole, un sac marin et les affaires indispensables. Mes bottes étaient tellement solides, tellement neuves, qu’elles m’inspiraient confiance. Je me mis en route pour Paris par le plus court chemin, avec la certitude qu’elle vivrait si j’allais à pied. Et puis j’avais envie de me retrouver seul. »

 

Page 111

Samedi 14.12

«  Il me reste à ajouter ceci : je suis allé voir la Eisnerin, elle était encore fatiguée et marquée par la maladie. Quelqu’un lui avait sûrement dit au téléphone que j’étais venu à pied, je ne voulais pas lui dire. J’étais gêné et j’ai pos mes jambes endolories sur un deuxième siège qu’elle avait poussé devant moi. Dans ma gêne, un mot me traversa l’esprit et, comme la situation était étrange, je le lui dis. Ensemble, lui dis-je, nous ferons cuire un feu et nous arrêterons les poissons. Alors elle regarda avec un fin sourire et comme elle savait que j’étais de ceux qui marchent et, partant, sans défense, elle m’a compris. Pendant un bref instant tout de finesse, quelque chose de doux traversa mon corps exténué. Je lui dis : ouvrez la fenêtre, depuis quelques jours je sais voler. »

(Werner Herzog)

 

 

Est-ce que sombrer dans le souci de l’autre consiste à marcher jusqu’à l’introuvable ?

 


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